On découvre d'abord ce qui n'est pas intègre, pour comprendre ce qui l’est. Le pouvoir des égos, la structure du mental, la confusion des relations, le poids du passé, l'illusion du futur, l'hérédité terrestre, l'hérédité céleste, sont autant de constats factuels de l’incapacité à séjourner dans une intégrité parfaite.
Dans cet article, Lou Yan nous partage sa vision de l'intégrité.
Intégrité : état de ce qui est entier. Empruntée du latin intégritas : totalité, État d'être intact, innocence, probité.
Au fil des siècles le sens se modifie. Au XVe siècle vient le sens de chasteté, virginité. Puis il s'emploie avec les valeurs abstraites ou reprises du latin :"état d'une chose qui est dans son entier" et au sens moral "pureté, probité dans la conduite". Il y a l'homme intègre du XVIIe siècle en France, il y a l'homme intègre des voix de sagesse : "celui qui est un", il y a l'homme intègre des religions : "celui qui n'a pas péché", il y a l'homme intègre du tai chi : "celui qui a unifié son énergie".
Si l'on évacue les aspects moraux et religieux il demeure le coeur principe : unifier (l’être, l'énergie).
"Boire quand il a soif, manger quand il a faim, dormir quand il a sommeil : le sage sait unifié action est besoin, parole et acte, en cela il est intègre, en cela il ne connaît pas l'écart de la dualité, la tension des opposés".
Sri Aurobindo est condamné par les Anglais d'Inde à l'exil et l'emprisonnement.
Il a cette réponse : "croyez-vous vraiment que c'est en m'emprisonnant que vous me priverez de ma liberté ?"
Son intégrité n'est pas menacée par les conditions extérieures, parce que profondément elle n'en dépend pas, elle ne se fonde que sur elle-même, non comme un acte de foi, qui suppose une extériorité, mais comme une conséquence de la plénitude d'être, de l'entièreté.
Intégrité et vérité ne sont pas sur le même plan, ne se confondent pas. L'intégrité requiert le principe de l'action, elle s'effectue à chaque moment. Ce n'est pas quelque chose à ajouter à l'être, ce n'est pas un chemin à parcourir, ce n'est pas une visée vers laquelle nous tendons. C'est plutôt la capacité de maintenir son énergie entière, un esprit sans division, une adhésion à ce qui est.
C'est le principe de réalité. L'intégrité est un acte personnel. La vérité n'est pas un acte, elle n'est pas personnelle. Pour relier les deux, pour que l'intégrité soit au service de la vérité, peut-être ne peut-on pas faire l'économie d'une éthique ?
Est-ce que le faîte d'être entier, non divisée, fonde nécessairement une éthique ? Qui soit recevable par tous, c'est-à-dire qu'il ne nuise à personne ? ( Didier Boyer)
Intégrité, vérité et liberté
L'expérience de l'écart
C'est le contraste, l'écart, qui souvent font les expériences décisives.
Lorsque l'on est en travail sur soi, il est fort probable qu'une lecture ou une rencontre, provoque un choc, une révélation, à partir du constat de ce que l’on a besoin d'obtenir, et qui est absolument nécessaire, comme qualités essentielles que l'on voit chez l'autre et que l'on désire acquérir à tout prix, sous peine de quoi notre intégrité ne peut être. C'est encore le principe de réalité qui est à l'oeuvre. Nous vivons dans une réalité à l'écart de nous-mêmes, et nous avons l'opportunité de le percevoir à l'occasion d'une relation, ou d'une action.
C'est pour cette raison que les hommes se font miroir avant de pouvoir trouver leur centre et agir par le centre d'une façon intègre.
L'intégrité en soi
Une personnalité bien structurée doit faire face à de nombreuses attaques pour rester en cohérence. Ce qui au départ est une tentative d'intégration du monde social par la conscience d'être un individu parmi d'autres, devant vivre en bonne entente avec ses semblables, devient rapidement, dès l'enfance, une structuration rigide des egos multiples, mis en place comme contre-pouvoir des prises de pouvoir parentaux et éducatifs. Le moi composite des egos remet l'intégrité de la personne en question, alors que ces egos sont censés le protégés dans sa cohérence.
L'intégrité dans la relation
Nous avons l'occasion dans la relation, sous toutes ses formes, de déceler les pistes qui nous éloignent du principe de réalité, qui nous éloignent de la seule méthode possible, c'est-à-dire de mettre en pratique dans la relation, ce que nous percevons, ce que nous ressentons, de la réalité de nous-mêmes.
Ce que je dis peut me désintégrer, et désintégrer mon interlocuteur. Ce que je mets dans la relation peut être explosif, ou bien au contraire, par l'exercice de la bienveillance, de l’écoute attentive, de l’entendement, la relation participe au principe de réalité, la parole et le geste sont posées comme des actes éthiques participant à réduire la distance entre notre réalité partielle et la vérité qui est au-delà de notre intégrité du moment.
Le conflit peut être considéré comme un contrepoint de l'intégrité.
Conflits extérieurs, bien sûr, conflits intérieurs aussi, et peut-être de façon première.
Conflit : l'écart entre ce qui est et ce qui devrait être, bien entendu en fonction du principe de réalité. Chacun étant muré dans sa réalité, il est courant de distinguer par le conflit, les niveaux de réalité que nous côtoyons au cours de notre existence. L'appréciation du monde individuel de chacun, par nous-mêmes et par les autres, passe par d'innombrables conflits salutaires, que l'on peut traiter sans emportement, à partir du moment où l'on est lucide. L'expression de la colère est donc à proscrire, car elle trouble la lucidité. La perception de la colère est par contre de toute première importance. L'expression de celle-ci d'une manière positive permet de verbaliser l'écart, la projection, l'incohérence. L'aspect positif des conséquences du conflit est de permettre au mental de changer de point de vue, de s'ouvrir à la compréhension d'autres mondes, et donc d'élargir son propre champ de réalité.
La perception du conflit intérieur est parfaitement définie par Krishnamurti.
"Découvrir s'il existe une façon de vivre où de vie, dépourvue il n'y aurait aucune division, où l'action ne serait pas partielle, où elles feraient partie d'une coulée unique et constante, et où chaque action serait reliée à toutes les autres. Pour découvrir un tel mode de fragmentation, il faut examiner très profondément la question de l'amour et de la mort. Par une juste compréhension de ces deux choses, nous pourrons peut-être connaître une vie hautement intelligente qui soit un mouvement continu et sans brisure. Un esprit morcelé manque d'intelligence ; il est évident qu'un homme qui vit sur une demi-douzaine de plan, ce qui passe pour être hautement moral, il est évident que cet homme manque d'intelligence. Il me semble aussi que la notion d'intégration, qui consiste à agglomérer les différents fragments dans le but d'en faire un tout, n'est évidemment pas intelligente, car elle implique l'existence de celui qui procède à cette intégration, qui se charge d'intégrer, de rattacher ensemble tous les fragments ; mais cette entité, celle qui s'efforce d'obtenir un tel résultat n'est elle-même que le fragment d'un fragment.
Ce qui est nécessaire, c'est qu'il y ait une intelligence, une passion telle, qu'il s'ensuit une révolution radicale de notre existence, telle qu'il n'y ait plus activités contradictoire, mais un seul mouvement uni et continu. Pour que se produise un tel changement dans notre vie, il faut qu'il y ait passion."
Les différentes formes d'intégrité
Intégrité physique, intégrité morale, intégrité d'action, intégrité de l'hérédité terrestre et céleste, sommes-nous intègres à l'origine ? Pouvons-nous le devenir véritablement ? Quel champ de réalité permettra aux différents éléments constitutifs de l'humain de retrouver leur intégrité ? De quoi est fait l'intégrité de notre corps de chair, ses organes, ses énergies, ses pulsions de vie et de mort, ses besoins incontournables, ses habitudes, ses travers, sa grâce ?
De quoi est fait l'intégrité de notre âme ? De nos sentiments ? De nos émotions ?
De quoi est fait l'intégrité de notre esprit ? De nos intuitions ? De nos visions ? De notre transcendance ?
Pourquoi suis-je intègre ?
Comment suis-je intègre ?